AZul a Taddert

Samedi 27 novembre 2021(S. Yataghène)-Salah Oudahar a donné vendredi à la médiathèque Malraux une émouvante lecture musicale sur le thème des Exils méditerranéens, dans le cadre de la septième journée du Festival Strasbourg-Méditerranée dont il est directeur artistique. Véritable « déambulation poétique et musicale dans les territoires et les imaginaires de l’exil, sur des textes et des fragments de textes (plus d’une trentaine) de poètes et poétesses  de la méditerranée ». La lecture a été rythmée par de captivants intermèdes musicaux, interprétés par le jeune musicien Issam Azzi.

Pour Salah, auteur, récemment d’un bel ouvrage, à lire absolument,

Les témoins du temps et Autres traces(*), « il n’y a pas pire malentendu que celui du retour. Nous revenons certes mais radicalement différents, autres, comme habillés d’un autre visage, d’une autre histoire, d’un autre destin, dépouillés de la vue et de l’odorat d’antan , de l’autre temps, d’avant ce temps. D’avant le temps… »

« (…) Les exilés, les migrants, les réfugiés sont les ancêtres et les héritiers coupables, encombrés et encombrants, des identités flottantes et des socles liquide ».

Ainsi nous vous faisons état d’un de ses poèmes intitulé Nous sommes de ce monde :

Nous sommes de ce monde. Et nous voulons y élire demeure. Enfin. Que ce monde soit aussi le nôtre. Et vous aussi, soyez des nôtres. Soyez donc des nôtres. Enfin. Et qu’il en soit ainsi, toujours, le monde. Le même et toujours différent. Sans cesse. Toujours. Nous l’apprivoisons, le monde. Nous l’approchons sur la pointe des pieds, de peur de réveiller ses démons, ses vieux démons, raviver ses blessures, le souvenir encore vifs des destins saccagés, des vies livrées à l’opprobre, à l’œil aveugle du temps.

Pour notre soif d’histoire, de justice, de dignité.

Mais nous y entrons, aussi, Parfois, par effraction, voir souvent comme des clandestins, des parias, des voleurs, des sans-papiers, des sans-pays, des sans-noms. Nous voulons en fait le pain et la parole. Et le feu. Nous voulons nous réchauffer au feu de l’hospitalité. Au feu, nous brûler au feu de la rencontre. Nous cherchons à nous loger. Nous voulons loger dans ses cimes. Les cimes du monde. Et dans ses bas-fonds. Dans ses misères aussi. Dans ses splendeurs. Loger en son centre. Et dans les périphéries de ses déshérences. Mais le monde est petit pour nous. Trop petit. Pour tout. Pour notre immense besoin de mémoire. Pour notre soif d’histoire, de justice, de dignité.

Pour abriter nos amours brisées. Soigner nos blessures. Donner un sens à la terrible interruption de la trame. Aux chaînons manquants. Nous habitons le monde et le monde nous habite dans le tumulte et la disgrâce. Le renoncement. Le reniement. La perte.

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Les Chibanis...

Dans la soirée, le public a eu droit à une pièce de théâtre « Invisibles » écrite et mise en scène par Nasser Djemaï. Elle retrace le parcours de ceux qu’on appelle communément les Chibanis. 6 comédiens ont magistralement incarné des rôles des cette première génération d’immigrés au départ solitaires, laissant derrière eux leurs enfants et épouses.

La pièce est articulée autour du jeune Martin qui, à la recherche de son père, découvre l’existence des « Chibanis », les cheveux blancs en arabe. Venus travailler en France pendant les trente glorieuses, ils ont contribué activement à sa reconstruction et sont pourtant aujourd’hui complètement oubliés, invisibles. La pièce se veut être un bel hommage à ces derniers. Elle a été très applaudie, et n’a pas laissé indifférents les spectateurs.

A noter : prochaine chronique : Mémoire de l'immigration, des pages manquantes de Samia Messaoudi et Nasser Djemaï.

La troupe théatrale des Invisibles, sur scène

Salah Oudahar déclame les Exils méditerranéensavec Issam Azzi (musique et chant)