AZul a Taddert

La Roche-sur-Yon 4 décembre 2017 (Syat)- Le décor était sublime.Dame Nature reprit ses pinceaux pour en faire du village une belle toile, une fresque éphémère de bonne facture, tant le contrat conclu par les saisons semblait bien respecté. Au loin, à l'Est, vers El-Misser, des colonnes de fumée bleue s’élançaient dans le ciel et signalaient des gîtes en éveil, tirés de leur torpeur par la poudreuse. Corroborant ainsi l'adage populaire: La neige tombe sur la montagne mais sa rigueur est ressentie en plaine. En Kabyle: adhfel Gudh rar yekath smiss dheg swahel.  

Cette dernière a ramené dans ses flocons de la clarté dans les idées des montagnards qui ne savaient pas encore à quel rythme pouvaient aller leurs cheminées. Les enfants dormaient encore, l’école disposait gracieusement d’une détente inattendue. La neige est synonyme de fertilité et de pureté dit-on dans ces sobres contrées.

Le Yennayer pointa son nez et réclama sa part d’hospitalité et de bienvenue. Nous sommes à quelques jours du 1^erde l’an berbère, qui rappelle à tous, la légende de la Vieille et sa chèvre sur les cimes du Djurdjura, pas loin de la main du Juif, châtiée pour son arrogance et ses injures envers Janvier. Méfiez-vous de l'injure du temps!

Les maitresses de maisons accueillaient cette tisseuse de manteau blanc, avec joie tant les cœurs étaient généreux et les esprits tranquilles. Taddert Oufella, en l’espace d’une nuit, s’est débarrassée silencieusement des ses habits d’automne pour rentrer dans ceux confectionnés par le savoir local.

Pour cause: les aiguilles avaient repris du  service, les tricoteuses passaient un temps fou et passionnant à faire des ouvrages en laine de toutes sortes, le sacrifice du mouton de l’Aïd est également à ce prix: on mange la viande de l'animal en ces temps de vaches maigres et en garde sa fourrure pour se prémunir du froid. 

Une journée sans pain 

En peu de temps, Taddert s’organise, ici on ne meurt pas de lassitude ni même de vieillesse (Dixit Matoub). Les enfants donnèrent l’exemple et bravèrent la poudreuse,en s’adonnant au travers des ruelles du village, au jeu de boules, entrecoupés par de séances de montage de bonhommes de neige où chacun y apportera sa petite touche, sous les regards amusés des aînés qui veillaient au grain.

L’unique espace public, encastré de par et d’autre dans l’entrée de la Mosquée traditionnelle, celle de la vraie foi sans contrainte, avait du mal à contenir toutes la foule de villageois venant s’abriter par-là et demander sa part de chaleur humaine qui s’échappait des Burnous, habit emblématique des enfants de Lalla Fadhma N'soummeur, à proximité de Ourdja. 

Les femmes, kabylement bien vêtues, par petits groupes, se croisèrent dans les rues et apportèrent leur part de gaieté à ce décor féérique.Les nouvelles tournaient en boucle:l’hiver sera rude! les bougies diffuseront pour longtemps leur lumière en attendant le retour improbable du courant électrique, le déneigement de la route carrossable menant à Fort-Napoléon pour glaner quelques pains auprès des boulangeries courageuses, prises d’assaut, aux première lueurs du jour.

Car, comme disent les Anciens, La plus longue journée est la journée sans pain!

Quand la neige sera finie....