AZul a Taddert

Mardi 21 janvier 2025 (Salah Yataghène)- Il nous a bercés durant toute notre enfance, voire dans la continuité de son beau parcours poétique, toute notre vie, au sein de nos villages altiers et majestueux que lui-même décrit comme ces beaux « colliers berbères » pondant sur l’éternel massif du Djurdjura, au pied duquel s’honore son village natal Ighil Bwmmas.

60 ans de constance et de fidélité à sa ligne artistique, puisée dans l’âme berbère et faisant de son aura «le ciseleur du verbe» que ne cessent de lui reconnaitre ses sincères adeptes. Son investissement inlassable dans la chanson kabyle remonte à 1967, et aujourd’hui, Lounis aligne ses 75 ans en toute beauté et honneur.

Et nourrit toujours en nous, cet espoir, voire la pérennité de cette nostalgie des bons moments pétris de morale, de sagesse et de repères de nos valeurs culturelles puisées dans ses chansons au point que chacune de celles-ci nous stimule à décoder le message et nous offre de l’apaisement. N'est-ce pas Albert Camus qui disait que "La pensée de l'homme c'est avant tout sa nostalgie?".

Ses passages à la radio "Chaine 2" furent du bonheur, particulièrement pour nos mères, tant il portait haut et tendrement ce qu’elles disaient au fond d’elles-mêmes en silence en tant que matrice indéniable de l'âme kabyle en s'investissant toute leur vie dans l'oralité.

Dur souvenir... 

Un jour, alors que je couvrais pour le compte de ma rédaction un de ses spectacles a la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, du temps d'Ahmed Agoumi (Directeur) j'associais ma regrettée mère à cette ambiance sans pour autant lui dire que c’était Lounis sur scène (qu’elle avait connu que de voix et de chansons à travers la radio kabyle). Presque au milieu de cette soirée elle me disait en substance: «Ce chanteur connait par cœur les chansons de Lounis Aït-Menguellet ». C’est bien lui maman en personne ! elle avait des larmes aux yeux, et à la fin du spectacle, je la présentée au poète derrière la scène, qui la serrait fortement dans ses bras, tout en l'assurant que pour lui "c’est du bonheur de la voir à son spectacle".

A Lounis, je disais que deux jours avant elle rentrait d'une cure de  chimiothérapie pour sa maladie. Je ne vous dirai pas son émotion sur le champ. Le tout scellé dans une photo-souvenir que le Temps a gardé soigneusement.

 Le génie du verbe

Tassadit Yacine dans l’étude quelle consacre à l’œuvre de Lounis, le qualifie de "génie du verbe". Elle met l’accent sur la difficulté à appréhender ses textes :  "Comment décrire l’indescriptible ?" "Comment saisir l’insaisissable?" "Comment dire l’indicible". Autant de questions qui s’imposent lorsqu’on tente d’appréhender les textes du poète Lounis. 

Un des traits saillants du caractère de Lounis, est qu’il a su évoluer avec son temps et avec son public. De la chanson sentimentale à celle à caractère social, politique, identitaire et philosophique, il a pu ratisser large au travers de ses tubes mêlant souvent "la métaphore et la rhétorique, des oppositions qui se succèdent comme les cycles de la vie et de la mort, du jour et de la nuit, de la vérité et du mensonge, du méchant et du gentil…"

   Bon anniversaire et longue vie cher Lounis!