AZul a Taddert

La Roche-sur-Yon 22 mai 2018 (Syat)-«Uliw yugi adh yamen belli th ru hedh» ou «Mon cœur refuse encore d’accepter que tu es partie…il ya 28 ans». Aux durs moments de la réalité, le rêve vient, par moment, au secours pour pérenniser le souvenir et huiler la pensée. C'est la fête des mères!

Combien de fois as-tu foulé le chemin ardu de la fontaine Amizav, le bidon d’eau rempli sur le dos, en compagnie de tes amies dont les liens étaient scellés par le même sort, descendu vers le lointain champ pour remonter avec quelques fruits du moment, prêté tes bras et ta générosité au village pour que dure le Vivre ensemble? 

Alors que se construisait petit à petit la nouvelle maison, arrosée de tes droits de veuve de chahid, sans quoi la première pierre n’aurait pas eu lieu, je te revoyais depuis la dalle, enthousiaste et fière de posséder un nouveau toit, arpenter l’entrée du village pour revenir, quelques instants plus tard, avec le déjeuner qui allait réunir le maçon et ses manœuvres.

Il faisait une chaleur torride, rythmée par les cris de cigales en communion autour du cimetière mitoyen comme si elles pleuraient encore les disparus du village Taddert.

Nous prenions encore ensemble le car avec les villageois, en partance pour un pèlerinage coutumier pour se recueillir sur la tombe de chikh Mohand Oulhocine, un personnage légendaire pieu, dont la sagesse continue, depuis deux siècles, de hanter les esprits et d’alimenter la poésie Kabylie ancienne dont s'est abreuvé aussi notre illustre et homme de lettre l’inoubliable Mouloud Mammeri.

Une autre pensée!

C’est la Fête des cerises, annoncée à grandes pompes à Fort-National, au secours des petites bourses. Nous cueillons un à un ce fruit parfois en compétition avec les oiseaux de toutes les couleurs, pour remplir des paniers et les vendre ensuite pour quelques piètres sommes. Histoire de contribuer au quotidien de ces années où tous ne mangeaient pas à leur faim.

Mais  ces épreuves de vie furent apaisées par un excès de dignité, d’entraide et de solidarité connue pour cette génération. Nous revoilà entourés de toi et rassurés de ta compagnie,en ces jours de fête au village,pour rendre visite aux proches et pérenniser l’esprit de famille que tu nous as inculqué aux premières heures de notre enfance.

Le rêve: réunis entre frères, sœur et petits enfants autour de toi, au petit matin, tu distribuais, en équité, des beignets tous chauds cuits sur un feu de bois, et destinais une partie pour la voisine.Tu revenais revivre avec nous un instant, toujours la même humilité, le visage rayonnant de joie d’être entourée des tiens, les mêmes gestes, la même attention aux autres.

La terre qui t'as "ensevelie", t'as libérée un instant et tu es revenue, l’espace d’un rêve, pour voir ce que nous sommes devenus !Repose-toi en paix chère Maman!

Des femmes sobres au même destin, se tiennent la main!     

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