AZul a Taddert

AZul a Taddert

En attendant...Taddert! d'ici je t'écris...

Le 10 novembre 2017(Askif-Akdhim)-Le village Taddert-Oufella est perché comme un nid d’aigle (à 900 mètres d'altitude), les pieds solidement ancrés dans l'asphalte. Il fait face au mont Aboudid, belle fenêtre ouverte sur le massif du Djurdjura, et doit son nom géographique, à son confrère d’en bas «Bouada». 

 

Les habitants des deux villages se regardent chaque jour, mutuellement. Dans les temps, pas si lointains, des destins communs les ont rassemblés, à l’exemple de l’école, la fête de l’Achoura avec son geste rituel de l'offre d'un mouton, sur pied, au marabout des lieux, et des liens du mariage.    

 

L’été, quand les cigales se mettent à chanter, la bourgade du Bas suffoque, celle du Haut respire à grands poumons, l’hiver, la tendance s’inverse quand dame Nature étale son manteau et lâche généreusement ses flocons. On rentre à Taddert comme dans la Grande maison de Mohamed Dib et on en sort par Les Chemins qui montent de Fouroulou.  

 

Après avoir croisé l’emblématique école du savoir, au lieudit «Larrich» et une fontaine, récemment rajeunie, en contre-bas du stade, berceau de loisirs de l'enfance, à, l'Est, vous êtes chaleureusement «accueillis», à l'entrée du village par un cimetière des «Vivants », tant leurs souvenirs et silhouettes, hommes et femmes,hantent fièrement encore les ruelles, leurs empreintes refusent d’abdiquer devant l’usure des mémoires, face à l’adage populaire qui veut que "Chaque vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle".

 

En patrimoine ancien, seul un transformateur électrique, légué par la tourmente, témoigne encore des lampes qui ont éclairé Taddert dans les années 50, sous l'occupant, et paradoxalement, des affres de la guerre qui est passée par là. Du vieux Moulin, il ne restait que l’ombre. Tout comme de l’ancienne mosquée, reconstruite sur elle-même apportant en nouveauté un minaret.

                      

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Taddert: A l’entrée, le transformateur de l’ère coloniale témoigne encore…

 

Capitaine Taoues, un exemple de bravoure féminine

 

A proximité de ce vestige, est érigée une sobre stèle commémorant la mémoire des dix neuf Chouhadas (martyrs), tombés au champ d’honneur pour que l’Algérie vive libre et  indépendante. Relire Récits de feu! Autour de ce lieu mémorable, se trouve également la demeure de l’héroïne Capitaine Taoues, de son vraie Larfi, ravie aux siens, récemment. Pensée.  

 

Deux grandes rues, en angle obtenu, mènent au village et convergent sur son Haut lieu: la Djemaa, façonnée des siècles durant, par des esprits à forte croyance et conviction en la démocratie et en le bien commun. Un code de conduite régit les rapports entre individus et fait de la convivialité et de la solidarité des habitants, à toute épreuve, des règles intangibles sur fond de fraternité

 

La place centrale du village, dans sa configuration ancienne, s’apparente, au delà de sa vocation civique, à cette grande cour d’école, heureuse d’accueillir, chaque jour, ses écoliers pour leur apprendre à lire, à écrire et à cultiver le Vivre ensemble. Seuls remparts contre l’obscurantisme et l’ignorance. De belles têtes pensantes sont sorties de l'école de Laarich.   

 

Des assemblées du village, consacrées aux affaires courantes, sont débattues dans un esprit participatif et une discipline exemplaires. Cette place en a vues. Les «Anciens», comme la sagesse locale les surnomme, ont légué au village un trésor inestimable de traditions, taillées dans les durs instants, qui fait honneur aux générations montantes. Environ une dizaine de tribus compose le village, reparties selon les affinités amicales, la consanguinité et la descendance. Le tout agencé dans une homogénéité sociale qui fait du village sa force et lui confère sa réputation d’espace où il fait bon vivre.

 

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La moudjahida Nna Taoues Larfi s'en est allée en 2015.TDR

 

Le partage comme vertu éternelle 

 

L’hiver, les ressors des villageois se resserrent pour faire face à la rigueur  du climat: des campagnes de déneigement, à mains nues s’organisent, l’entraide et le secours porté aux plus démunis font le reste et rassurent les plus vulnérables. Ici, le bonheur et le malheur rassemblent, tout se fait dans le partage. C’est semble t-il une vraie thérapie de groupe.     

 

Le Village aux mille âmes s’ouvre à l’Est sur une bourgade, réputée pour ses beignets et ses élevages bovins, niché dans un flanc de colline, sur l’ancienne route carrossable menant droit vers Fort national, avec une vue imprenable sur la vallée de Fréha et de Tamgout. Taddert est limité à l’Ouest par des villages avec lesquels, il se partage un vaste territoire de champs de figuiers et de cerisiers, unique ressource agricole des Oufélléens.

 

Taddert, dans les années 1990, a été «arraché» à la commune de Fort National (actuellement LNI), par celle d’Aït-Oumalou qui descend vertigineusement vers la plaine de l’oued  Sebou. Le village a connu trois générations d’émigrés, chaque vague avec ses raisons et ses ambitions. Mais Taddert ne fait que «récolter» les bienfaits de ce mouvement migratoire, tant il allait de l’amélioration du cadre de vie des femmes et des enfants restés «au bled».

 

En témoignent, à titre illustratif, les somptueuses bâtisses défiant les étoiles, perceptibles sur le territoire, réalisées en grande partie grâce au franc et à l’euro mais à la sueur des…fronts des celles et de ceux partis dans...l’Eldorado.  

 

Cette émigration a eu, également sur le village, une incidence positive, en termes de traditions de luttes ouvrières "ramenées" des usines Renault et Peugeot de "Padam". Ce qui aura permis d'aiguiser davantage le caractère «rebelle» des kabyles des montagnes. La génération de taxieurs, d’ouvriers d’usine et de garagistes a tiré ses révérences, presque l’un derrière l’autre, laissant un grand vide au village.

 

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Les noix ont fort bon goût mais il faut les ouvrir....

 

La femme, matrice du village

 

Les femmes:sans quoi Taddert serait mutilé de son essence même, ont non seulement pu tirer de l’oubli notre identité mais également assumer, comme il se doit, leurs tâches domestiques et éducationnelles. Des militantes sans étiquette pour la langue et la  culture de la Kahina. Un seul secret: leur sagesse et leur expertise d’usage, puisées dans l’école de la vie.  

 

Parmi elles, des tisseuses, des potières, des «accoucheuses rurales", des guérisseuses, des artisanes, des bâtisseuses. Je revoyais, meurtri de nostalgie, ces braves femmes sur la place centrale du village autour d’un métier à tisser (un burnous ou peut être un tapis berbère) entrain de donner les premiers coups de cardage en signe d’entraide avec leur amie, propriétaire de l’ouvrage.

Comme je remémorai ces nuées de porteuses d’eau de la fontaine, avançant l'une derrière l'autre, en rangs fraternels sur le chemin de l'Amaziv, abrupt à vous couper le souffle.

 

Taddert fait partie aussi des premiers villages de la région à avoir envoyer ses filles aux collèges et lycées et au-delà, une fois l’école primaire accomplie. C’est dire l’émancipation n’est pas chez les Oufélléens un vain mot.Phénomène récent:cette communauté de vies, est amoindrie par la dislocation de l’habitat et de l’abandon des maisons anciennes, du fait du modernisme.

 

Néanmoins, elle continue vaille que vaille, à livrer un âpre combat pour la survivance de ses traditions en «misant» sur le potentiel de sa jeunesse active, laquelle ne rechigne pas devant la lourde besogne, avec enthousiasme exceptionnel, de veiller à la préservation de l’âme de Taddert. Tout simplement, ils ont à cœur de concilier traditions et modernité.

  

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"Achhal dhavridh i yesligh i yemma thnad Ammi ". Maitre Ch.Kheddam

 

Les jeunes, une relève qui fait honneur 

 

Un beau challenge dont les résultats n’échappent à personne et les mérites reviennent aux différentes équipes de jeunes qui se succèdent jalousement à la gestion des affaires du village. Petits soins à l’environnement, restauration des fontaines, réfection des abords des routes, du cimetière, collecte des ordures ménagères… les bénévoles ne font que pérenniser le flambeau et entretenir la flamme de leurs aînés. Bouettes, pelles et matériels aratoires à la main, ils passent au peigne fin le village, l’espace d’un jour de repos ou férié dans le cadre de campagnes de volontariat «Thicmlit », ponctuées souvent par un déjeuner- pique-nique.Un autre moment de construire la convivialité. 

 

A ces jeunes, je redis tous mes sincères encouragements.Ce que vous faites dans l'intérêt de tous, vos enfants viendront vous rendre justice et apprécier votre bel investissement! Pour avoir fait ce passage durant mes années de jeunesse, je ne peux que me réjouir de cette relève. Avec une des équipe du comité de village des années 80, nous avions porté, à bras le corps, le projet d'assainissement du village et de construction d'un dépotoir.     

 

Si hier, des élans de solidarité avaient été déployés pour pousser des barils de mazoute sur des pentes raides du village, l’hiver, pour alimenter les foyers, le modernisme n'a pas raté Taddert: Cette corvée a, depuis 3 ans, pris fin au bonheur de tous avec l’introduction du gaz de ville dans les ménages.

 

Des noms et de l'histoire...

 

Askif-akdim,Aboudid,Thala-el-karmud,Thala-ughilas,Varkach,Thissirt,Amizav-akdhim,Thiharkathin,Sarrar,Tthacharchurth, Akhenduk, Tala bumdun, Tan Katcht Nali Oamar, Tigzirt, Thikh-dit, Ek Hed Iziffu, Talan Tacht, Tazrut, Tiharkatin, Ti3in-Sart, Ikharva, El-hed el djama3, Lemkil, Thigh zart at farhat, Tikhdith...autant de noms et de lieudits qui font la beauté de Taddert et que la mémoire collective se doit de sauvegarder.   

 

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Il y a  des siècles, le village était parti d'ici... 

    

  



04/10/2017
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